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Au Sénégal, le président appelle au dialogue, l’opposition à la tenue de l’élection

« Je ne connais pas de candidat qui refuse le dialogue », assurait avec confiance le président Macky Sall devant plusieurs médias sénégalais jeudi 22 février. Dimanche, seuls trois des dix-neuf candidats retenus pour la présidentielle avaient confirmé leur présence aux « concertations nationales » convoquées le lendemain à 16 heures par le chef de l’Etat au Centre international de conférences de Diamnadio. Leur objectif premier : fixer une nouvelle date au scrutin qui devait se tenir dimanche avant d’être reporté le 3 février par Macky Sall.
Le président sénégalais ayant choisi de ne pas choisir alors que le Conseil constitutionnel invitait « les autorités compétentes » à organiser l’élection « dans les meilleurs délais ». Ce sont donc pour l’heure, Amadou Ba, le premier ministre et candidat de la majorité présidentielle, Idrissa Seck, l’ancien président du conseil économique social et environnemental et Boun Abdallah Dionne, un ex-premier ministre de Macky Sall passé dans l’opposition, qui seront chargés de l’aider à trancher. « La fixation d’une date d’élection est d’ordre réglementaire et seul le président peut la fixer par décret […] Les participants au dialogue pourraient l’aider à cette fin », indique la coalition de ce dernier pour justifier sa présence.
Pour convaincre les seize autres candidats récalcitrants au dialogue, le président leur a lancé une dernière invitation pour lundi 11 heures. En vain jusque-là. « Après avoir décliné fermement l’invitation de Macky Sall, nous avons décidé d’une part, de saisir le Conseil constitutionnel et, d’autre part, d’aller à la rencontre du peuple pour organiser avec lui le véritable dialogue », ont plutôt déclaré samedi ces candidats dans un communiqué conjoint.
Ceux-ci disent refuser de « cautionner un coup d’Etat constitutionnel » mais dénoncent aussi la volonté de Macky Sall d’étendre ces échanges aux candidats recalés par le Conseil constitutionnel. Il doit les recevoir lundi midi. Cette perspective pourrait offrir une seconde chance à tous ceux qui se disent « spoliés » de leur droit à se présenter à la présidentielle. En premier lieu, Karim Wade après que le chef de l’Etat a justifié le report de l’élection pour éviter une « crise institutionnelle », suite aux accusations de corruption lancées par le camp du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012) contre deux juges du Conseil constitutionnel. En exil depuis 2016 au Qatar, Karim Wade a vu sa candidature invalidée à la dernière minute pour cause de binationalité. « Il faut tout revoir dans la mesure où le processus est biaisé », préconise aujourd’hui Nafi Diallo, la secrétaire générale à la communication du Parti démocratique sénégalais (PDS).
Pour appuyer sa cause, le parti de M. Wade s’est allié à une quinzaine des soixante-treize candidats déboutés par le Conseil constitutionnel. Regroupés au sein d’un Front démocratique pour une élection inclusive (Fdpei), ceux-ci ont jugé, le 20 février, « non négociable » la reprise du processus. « La date, on aurait pu la fixer mais on ne peut pas le faire tant qu’on n’a pas les arguments des uns et des autres. D’ici mardi, on aura une idée précise », leur a en quelque sorte répondu Macky Sall, deux jours plus tard, tout en réitérant son engagement à céder le pouvoir le 2 avril, à l’expiration de son mandat.
Au-delà de la bataille de communiqués, partisans et opposants au dialogue ont mobilisé leurs soutiens. Un rassemblement pour un scrutin symbolique a été empêché par la Police dimanche. La veille, s’étaient tenus sans heurts une marche de soutien de quelques centaines de partisans de Macky Sall et deux sit-in d’organisations de la société civile opposées aux concertations.
L’événement attendu que le président et sa ministre de la justice Aissata Tall Sall avaient laissé présagé n’est en revanche pas intervenu. Les deux leaders des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), la principale force d’opposition, Ousmane Sonko en détention depuis juillet pour « appel à l’insurrection » et Bassirou Diomaye Faye, candidat désigné du parti dissous et emprisonné depuis avril pour « outrage à magistrat », sont restés en détention à la prison de Cap Manuel à la veille de l’ouverture du dialogue.
Leur remise en liberté était pourtant attendue par une partie de l’opinion publique après la libération de plus de 350 détenus pour « pacifier l’espace public » et l’annonce par le président sénégalais de la possibilité d’une loi d’amnistie sur les faits qui se sont déroulés depuis le début de la crise politique au Sénégal en 2021.
« C’est à ses avocats d’introduire une demande de liberté provisoire », avait averti jeudi Macky Sall au sujet d’une libération du candidat Bassirou Diomaye Faye pour permettre sa participation au dialogue. « Je n’ai reçu aucun mandat de Bassirou Diomaye Faye pour introduire une quelconque demande de liberté provisoire », a sèchement répondu samedi son conseil, Moussa Sarr, interrogé par la radio privée RFM, tout en considérant que « pour libérer un détenu politique, on n’a pas besoin de l’intervention d’un avocat. »
Moussa Ngom(Dakar, correspondance)
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